23.1.11

Il est minuit trente trois, j'ai peur des chiffres, je les embrasse, ils se collent, flasques, dans le duvet de mes blancs bras. Tom chante par le ventre. Écoute-le, poisson! Frétille. Crépite. Bascule.

Un garçon a croisé mon regard. Il portait un chapeau de traviole, et, trois vieilles, sur un rebord de trottoir, tiraient sur leurs vielles à roue dans un crescendo de pépiements. Une bouffée d'asphalte et le garçon regagne le ventre d'une machine à laver. Les feux passent du rouge au vert, au rouge, orangé, vert, bleu, bleu puissant, carmin sanguin, cime de montagne, cendre saumâtre, piquet de grève, ocre anthracite, vert mer de sel. Le rythme se disloque et le garçon s'extirpe d'une boule de mouchoirs mouillés. Il retire son chapiteau Trévise. Il a trouvé le poignard caché dans le papier journal. Je n'en crois pas mes yeux. Je les plisse et il le défroisse, le journal. Le déchire. Les lambeaux volettent, enturbanent les dames qui pianotent et dodelinent de leurs chansons de faubourg. Qu'elles ont les doigts fins! Que je vis en voyant le train bicolore qui scie le seul immeuble que la terre porte, au son de leurs voix, comme si elles dirigeaient l'engin par leur propre puissance. L'euphorie arrive. Le reflux de la centrale vapeur. Le seul immeuble  que la terre porte où je n'habiterai jamais. Et que saurais-je de ses habitants? De ce qu'il contient chaque nuit comme rêve? Et de ses cahots? De ses cris? Des brûlures de nappe en plastique et des fous rire de gosses? Les chiens? Les dodus? Les peluches de poussière et les boîtes à chaussure? Les salsifis et les sacs à mains? Je le regarde, le regarde, le seul immeuble qui danse une valse à mille temps avec trois chimères inspirées et expirées par la nuit qui doucement s'appesantit sur nous... Je le regarde ce garçon au chapeau tordu, aux yeux perdus, évanouis dans le tambour à grands battants.

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